Rencontre : Laurent Sobraquès, une saga familiale ancrée dans le territoire

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Depuis 1872, les établissements Sobraquès traversent les époques et incarnent un pan du patrimoine économique catalan. Aujourd’hui, Laurent Sobraquès, cinquième génération, est à la tête d’une PME de plusieurs centaines de salariés, perpétuant un héritage fondé sur le travail et la transmission. De la vente de volailles en échoppe jusqu’aux grossistes nationaux, la saga familiale continue de prospérer.

Laurent Sobraquès : 1872 est l’année que j’ai retrouvée grâce à une carte postale ancienne. Mais la vérité, c’est que l’entreprise existait probablement avant. Je suis remonté à Joseph Sobraquès, mon arrière-arrière-grand-père, qui tenait un commerce de volailles au pied des remparts de Perpignan. Une photo de l’époque montre son échoppe avec des vendeuses et sa femme en train de servir les clients. À l’époque, on livrait les volailles en charrette, parfois vivantes pour une certaine clientèle. Quand les remparts ont été démolis au début des années 1900, l’entreprise a poursuivi son activité sous la direction de Laurent, son fils. Il a maintenu le commerce et développé la distribution vers les environs, notamment Saint-Denis. La guerre a marqué un tournant difficile. Pendant cette période, ma grand-mère et mon arrière-grandmère ont continué à vendre ce qu’elles pouvaient, même si les étals étaient presque vides. Après la guerre, Léandre, mon grand-père, a su relancer l’entreprise grâce aux nouveaux besoins de la région, notamment avec l’arrivée des harkis dans les années 1960, qui achetaient de la volaille vivante. Puis, c’est mon père, Bernard Sobraquès, qui a transformé l’entreprise en ajoutant une nouvelle dimension : les produits surgelés. Chaque génération a laissé son empreinte. Chaque période a connu ses défis, mais ce qui nous a toujours guidés, ce sont l’adaptation aux évolutions du marché et un attachement profond à notre territoire.

LE TOURNANT DES PRODUITS SURGELÉS
C’est votre père qui va donner un tournant décisif à l’entreprise…
Laurent Sobraquès : Oui, dans les années 1970. Il a eu l’idée de diversifier notre offre en intégrant les produits surgelés. Il a fait preuve d’une vision incroyable. C’était un pari audacieux qui a marqué une étape décisive dans notre évolution. Il a également pris une autre décision stratégique : déménager l’entreprise de Saint-Assiscle à SaintCharles, un choix qui nous a permis de nous inscrire pleinement dans le dynamisme économique local.

Qui sont aujourd’hui vos principaux clients ?
Laurent Sobraquès : Notre clientèle, pour 95 %, est composée de restaurateurs et d’hôteliers. Mais nous avons aussi des collectivités et des grandes surfaces, avec qui nous avons su nouer des partenariats de confiance. Aujourd’hui, nous couvrons plusieurs départements : Pyrénées-Orientales, Aude, Hérault, Gard, Ariège, et même la Costa Brava jusqu’à Gérone. Nous avons réussi à transformer une entreprise locale en un acteur de référence, tout en restant fidèles à nos valeurs familiales.

ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ
Justement, comment arrivez-vous à concilier tradition et modernité ?
Laurent Sobraquès : Ce qui fait notre force, c’est notre capacité à nous adapter sans renier notre histoire. La charrette de mon arrière-grandpère s’est transformée en une flotte de camions frigorifiques, mais l’esprit de service est resté le même. Nous avons intégré un atelier de découpe de viande, mis en place un service de formation pour nos clients, et élargi notre offre pour répondre à tous leurs besoins. La transmission du savoir-faire est essentielle : chez nous, on ne dit jamais à quelqu’un de faire quelque chose sans l’avoir soi-même appris en amont.

 

Sylvain, en tant que chef, quelles sont vos attentes vis-à-vis d’un fournisseur comme Sobraquès ?
Sylvain Marsault : La réactivité et la flexibilité sont essentielles. Avec Sobraquès, on sait qu’en cas de besoin, quelqu’un sera toujours disponible. C’est une relation de confiance qui facilite notre travail au quotidien. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si nous sommes ici aux Flamants Roses, un établissement du groupe Roussillhotel. L’histoire du groupe débute en 1960 avec Guy Lormand, qui travaillait déjà avec Bernard Sobraquès, le père de Laurent. Aujourd’hui, ses enfants – Alix, Étienne, Thibault et Xavier – ont repris le flambeau et assurent la gestion du parc hôtelier. Xavier, notamment, dirige Les Flamants Roses où nous nous trouvons aujourd’hui, preuve que ces familles ont su évoluer ensemble et maintenir cette relation forte entre l’hôtellerie et la distribution.

UN SOUTIEN INDÉFECTIBLE AU SPORT LOCAL ET AUX RESTAURATEURS
Vous êtes très impliqué dans le soutien aux restaurateurs mais aussi au sport local, notamment avec l’USAP. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Laurent Sobraquès : Nous avons toujours été proches des chefs. Notre rôle est de leur fournir des produits et un service de qualité. Avec les Toques Blanches, nous avons bâti une vraie relation de partenariat, et nous les accompagnons dans leurs projets. Notre métier, c’est bien plus que de la distribution : c’est un engagement envers ceux qui perpétuent l’excellence de la gastronomie. Nous soutenons également l’USAP (Union Sportive Arlequins Perpignanais), un club qui fait partie de l’identité catalane. Mon père, Bernard, en a même été le président, et j’ai moi-même rejoint son conseil d’administration, avant de devenir vice-président chargé du sponsoring. Nous avons une loge depuis de nombreuses années que nous utilisons pour renforcer nos relations avec nos clients et partenaires. C’est une manière pour nous de soutenir le sport local, mais aussi de défendre les valeurs de solidarité et de combativité qui sont chères à notre famille et à notre entreprise.

Parmi tous les produits que vous distribuez, y en a-t-il un dont vous êtes particulièrement fier ?
Laurent Sobraquès : Si je me déshabillais, j’aurais sûrement des plumes sous la chemise tant la volaille fait partie de mon ADN ! Mais si je devais choisir un produit aujourd’hui, ce serait la crème glacée que nous produisons sous la marque Glaces des Alpes. Ce sont des artisans glaciers passionnés qui élaborent des produits 100 % naturels. Nous fournissons des restaurateurs et des glaciers partout en France. Parmi nos créations phares, il y a la glace à la rousquille catalane, un clin d’œil à notre terroir. C’est un bel exemple de notre capacité à allier tradition et innovation.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Laurent Sobraquès : Nous développons notre présence en Espagne avec une antenne sur la Costa Brava, et envisageons de nous implanter à Toulouse. Montpellier est déjà bien développé, et nous avons des projets d’expansion sur d’autres zones stratégiques. Nous voulons continuer à évoluer sans jamais perdre l’esprit familial qui fait notre force.

LA SIXIÈME GÉNÉRATION EN MARCHE
Votre fille Carla et votre fils représentent la sixième génération. Comment les voyez-vous prendre le relais ?
Laurent Sobraquès : C’est une grande fierté de voir mes enfants s’intéresser à l’entreprise familiale. Carla, qui suit un master en alternance, apprend les rouages du métier. Elle se fera sûrement sa propre expérience ailleurs pour se forger sa vision personnelle avant de revenir. Mon fils, lui, se forme également en dehors de l’entreprise avant, peut-être, de revenir lui aussi. Rien ne leur est imposé, mais s’ils décident de perpétuer cette aventure, ils le feront avec leur propre regard, tout en restant fidèles aux valeurs qui ont construit notre histoire. J’en serais très fier.

UNE FIERTÉ AVANT TOUT HUMAINE
Pour conclure, qu’est-ce qui vous rend le plus fier aujourd’hui ?
Laurent Sobraquès : La relation humaine. Voir mes équipes engagées, savoir que nous avons bâti quelque chose de solide et de pérenne, c’est ce qui me motive chaque jour. L’entreprise ne serait rien sans les personnes qui y travaillent, et c’est grâce à elles que nous avançons. J’ai hérité d’une balle que l’on se transmet de génération en génération, mais ce qui compte, ce sont les êtres qui la font vivre.