RENCONTRE : Emmanuel STERN reçoit Bernard GUASH

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Nichée au cœur d’un écrin de verdure, la Villa Duflot à Perpignan ne se contente pas d’être un simple hôtel de luxe ; elle est également un lieu de rencontre, d’histoire et de gastronomie. C’est dans ce cadre idyllique que nous avons eu le privilège de rencontrer Bernard Guasch, figure emblématique du pays catalan et entrepreneur renommé dans le domaine de la viande. Reconnu pour son esprit généreux, sa simplicité et son amour pour les plaisirs de la table, Bernard incarne l’esprit épicurien par excellence. Orchestrée par Emmanuel Stern, propriétaire de l’hôtel, cette rencontre a pris une dimension particulière.

Dans cet échange chaleureux, Bernard Guasch dévoile ses racines, ses passions et sa vision de la gastronomie, qui sont autant de reflets de sa vie et de son engagement envers le patrimoine culinaire catalan. Nous avons découvert un homme attaché à ses origines et à la richesse des produits de son terroir, un véritable hymne à la culture catalane.

Toques Blanches Roussillon-Occitanie : Existe-t-il un plat ou une recette qui vous
ramène à vos souvenirs ou à vos origines ? Je crois que vous êtes d’origine espagnole, par votre papa ?

Bernard GUASH : Je suis Catalan. Je suis issu d’une famille de réfugiés espagnols, et nous avons toujours pris soin de perpétuer et de transmettre notre culture et nos traditions. Les premières choses qui me reviennent en mémoire sont les cargolades et les paellas, mon père était un véritable spécialiste ! Il les préparait au feu de bois. Ensuite, il y a les calçots. Ma famille est originaire de la région de Valls, le berceau de la calçotada. Et bien sûr, les grillades sont omniprésentes, étant donné que ma famille opère dans le secteur de la viande.

Y a-t-il une recette de famille qui vous est particulièrement chère ? Pourriez-vous nous en parler ?

La calçotada, sans hésitation. Ma femme a appris il y a plus de 40 ans à préparer la véritable sauce calçotada, grâce à de vieilles tantes. Sa sauce est tellement prisée
qu’elle est régulièrement sollicitée pour la préparer !

Elle garde la recette secrète, j’imagine…

Non, elle ne la garde pas secrète mais elle la réserve principalement à la famille.

Vous-même, cuisinez-vous ?

Ah non, je n’ai jamais cuisiné de ma vie. Cependant, la grillade, c’est mon domaine.

Quel est le produit indispensable dans votre cuisine ?

L’entrecôte. Elle a toujours sa place dans notre frigo. C’est un peu ma marque de fabrique, l’entrecôte est une constante dans ma vie ! (Rires)

Y a-t-il un chef ou un restaurant qui vous a particulièrement marqué, que ce soit
dans la région ou ailleurs ?

La Villa Duflot, où nous sommes actuellement, évoque de nombreux souvenirs. André, l’instigateur du lieu, était un ami de longue date et l’un de mes plus grands clients depuis plus de 30 ou 40 ans. Cet endroit était l’un des premiers établissements de prestige du département. Je citerais aussi le Mas Vermeil, qui a été une référence pendant 20 à 25 ans.
Ce sont des lieux emblématiques du pays catalan, où nous aimions tous nous retrouver.
Sans oublier la Vigatane à Canet, chez mon ami Yves, un autre lieu historique du pays
catalan.

Si vous deviez choisir un plat qui vous représente, quel serait-il ?

Je vais vous surprendre, car nous ne parlerons pas de viande mais de poisson : la bouillinade d’anguille. C’est également l’un de mes plats de référence. Autrefois, je parcourais souvent de longues distances pour en déguster une bonne près de l’étang de Salses, où les vrais pêcheurs utilisaient encore leurs filets… Ces moments étaient des points forts de l’année, où l’on passait des journées extraordinaires autour de ce plat, avec des pommes de terre et du pain grillé aillé.

Quel lien faites-vous entre le rugby et la cuisine ?

Je pense que les deux sont un combat quotidien. Dans le rugby, comme en cuisine, il faut
constamment se remettre en question. On peut exceller un jour et être moins performant le lendemain. Il faut toujours viser l’excellence, et dans les deux domaines, l’esprit d’équipe
est essentiel.

Si vous deviez organiser un grand dîner ou déjeuner avec toute l’équipe de rugby, où iriez-vous ? Que mangeriez-vous ? Qui inviteriez-vous ?

Le 25 mai, nous serons près de 2 000 pour célébrer les 90 ans du rugby à XIII en France.
Pour l’occasion, nous préparerons une broche de douze mètres avec des cuisses de bœuf, de veau, des agneaux entiers, et des jambons de porc Tirabuixo. Ce sera un moment de partage autour d’un barbecue géant.

Et le vin, dans tout cela ? Êtes-vous collectionneur ou amateur ?

Ni l’un ni l’autre. Je suis un amoureux. Quand nous étions jeunes, nous buvions plutôt de
la bière ou du Ricard. Avec le temps, j’ai pris conscience de la nécessité de modérer ma
consommation ! (Rires) Depuis, je me suis passionné pour les vins blancs de notre région, notamment ceux de Collioure et de Banyuls. J’apprécie particulièrement les vieilles vignes de grenaches. Bien sûr, j’adore également un bon vin rouge.

Beaucoup d’affaires professionnelles se concluent-elles autour de la table, selon vous ?

Je dirais plutôt que les affaires se concluent souvent autour de la table. C’est là la magie
de la cuisine : elle détend l’atmosphère et met tout le monde d’accord. Elle fait baisser la garde. Les discussions débutent souvent au bureau et, bien qu’elles puissent être parfois difficiles à conclure, se finalisent généralement autour d’un bon repas.

Comment jugez-vous l’évolution de la gastronomie dans votre région ?

C’est une question pertinente et délicate. Beaucoup de nos clients sont des restaurateurs, et aujourd’hui, environ 30 à 40 % de notre activité concernent la restauration. Je pense que la restauration se trouve à un tournant crucial : les modèles passés vont devenir de plus en plus difficiles à soutenir. La restauration deviendra plus coûteuse, et il pourrait y avoir une dichotomie entre le bas de gamme et le haut de gamme, avec peu d’options intermédiaires. Il faudra investir davantage pour bien manger à l’avenir, car la matière première est de plus en plus onéreuse.

Pourquoi est-il important de valoriser et de soutenir le travail des chefs, des producteurs et des éleveurs de la région ?

Aujourd’hui, la traçabilité est cruciale : les gens veulent savoir ce qu’ils mangent, d’où cela provient, et comment cela a été produit. Nous nous dirigeons vers des circuits courts,
bien que ceux-ci soient également coûteux. C’est un cercle vertueux, mais nécessaire pour garantir la qualité de notre alimentation demain.

Avez-vous toujours soutenu les Toques Blanches ? Quels sont vos liens avec cette association ?

Mes liens avec les Toques Blanches sont étroits, notamment grâce à mon ami Jean Plouzennec, l’un des fondateurs et l’un des meilleurs chefs catalans. Jean est un véritable rassembleur, et malgré les années, il reste très actif. Nous avons beaucoup collaboré ensemble, et l’association m’a également beaucoup soutenu, surtout dans notre engagement envers les produits locaux.