Questionnaire épicurien de Bernard FOURCADE avec Benoit JANET

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Pour cette nouvelle interview épicurienne, Benoit Janet, le chef du restaurant Óliba du château de Riell à Moligt-les-Bains, a reçu à sa table Bernard Fourcade, Président honoraire de la CCI des Pyrénées Orientales. L’occasion de revenir sur la naissance des Toques Blanches, mais aussi d’explorer le monde de la gastronomie et de la bonne vie à travers les expériences de ce passionné de cuisine et de bon vin.

Toques Blanches : Vous avez vu naître les Toques Blanches…

Bernard Fourcade : Oui. Avec Henri Ronde et Jean Plouzennec, nous en sommes un peu les pères fondateurs.

Dans quel contexte les Toques Blanches ont-elles vu le jour ?

Bernard Fourcade : La gastronomie est une vitrine, un pilier important pour le tourisme. Il ne se conçoit pas sans elle. À l’époque, à Perpignan, il n’y avait pas de référentiel et nous en avions besoin. Nous étions même obligés de faire appel à des traiteurs extérieurs, souvent montpelliérains.

En 2002, vous accueillez le Congrès Mondial des Maîtres Cuisiniers de France…

Bernard Fourcade : Nous étions en charge d’organiser un dîner pour des chefs qui arrivaient d’un peu partout dans le monde. C’est là qu’Henri Ronde a eu l’idée d’organiser une Mostra. La Chambre de Commerce a suivi. Nous, nous étions là pour assurer le fonctionnement ; les chefs, l’organisation.

Cela a été un véritable succès…

Bernard Fourcade : La Mostra a inspiré la création du Palais Gourmand. Et cela dure depuis vingt ans ! On a eu jusqu’à 2 200 participants.


Qu’est-ce qui en fait la réussite ?

Bernard Fourcade : Les chefs ne sont pas des concurrents, mais des confrères. Il y a un climat, je dirais d’amitié, qui fait que tout est très fluide. Aujourd’hui, c’est devenu le référentiel dont nous avions besoin. Au-delà du tourisme, c’est une mise
en valeur des produits, des producteurs et des éleveurs du pays. Aujourd’hui, tout le monde parle de circuits courts. Les
Toques Blanches font ça depuis longtemps.

Benoit, vous avez intégré les Toques Blanches à votre arrivée au Château de Riell…

Benoit Janet : Exactement, en 2019. La maison en faisait déjà partie, mais cela correspondait complètement à mes valeurs. La solidarité, le travail main dans la main. Cela nous permet de nous connaître, d’échanger.

À titre plus personnel, comment justement cet engouement pour la gastronomie, pour le terroir, est-il né ?

Bernard Fourcade : Je pense par mes fonctions. Par l’amour du produit aussi. J’ai toujours eu dans les équipes de la Chambre de Commerce une proportion importante d’élus hôteliers, c’est un secteur qui m’a toujours intéressé. Et puis j’ai été pris dans l’engrenage et dans l’engouement des Toques Blanches. Dans cette amitié collective. En vérité, je crois que c’est venu assez naturellement, en fréquentant les chefs et leurs tables.

Auriez-vous un souvenir mémorable à nous faire partager ?

Bernard Fourcade : Il y en a beaucoup mais je dois m’arrêter sur un en particulier. À la fin de mon mandat de président, les Toques Blanches nous ont offert, à mon épouse et moi, un séjour dans l’établissement des frères Pourcel à Montpellier. C’était fabuleux, qu’il s’agisse de l’hôtel Richer de Belleval ou de la table du Jardin des Sens. C’était un grand moment de gastronomie. Je suis très reconnaissant envers les Toques Blanches pour ce geste d’amitié après vingt ans de travail ensemble.

Comment jugez-vous l’évolution de la gastronomie cette dernière décennie ?

Bernard Fourcade : Très positivement. Je crois qu’aujourd’hui, d’une façon générale, la restauration a acquis certaines lettres de noblesse. Les émissions de télévision ont permis de populariser la grande cuisine. À mon niveau, j’ai pu le constater au niveau du CFA de l’hôtellerie et de la restauration qui a connu ces dernières années une augmentation significative du nombre d’étudiants. On est passé de 600 à 850 élèves en six ans. Le fait que les chefs transmettent leur savoir-faire a fait naître de nombreuses vocations.

La France est reconnue dans le monde entier pour sa gastronomie…

Bernard Fourcade : Oui et cela va continuer grâce à toute une nouvelle génération de chefs qui revient vers une cuisine traditionnelle, une cuisine plus raisonnable qui a du sens. Et c’est une excellente chose

L’éducation au goût des plus jeunes, la saisonnalité,
cela fait-il partie des enjeux pour l’avenir ?

Bernard Fourcade : Complètement. Il faut que l’on éduque les enfants à une cuisine de sens. C’est pour cela que la Chambre de Commerce soutient les Mini Toques. Je crois que c’est aussi le rôle des institutions. Chacun, à son niveau, doit faire cette promotion.

Au-delà des chefs, qu’en est-il des producteurs ou des vignerons ?

Bernard Fourcade : La Chambre n’est pas la seule sur ce créneau là, mais à travers les Toques Blanches, on associe les vignerons, les éleveurs et les producteurs. C’est tout cet
ensemble là qu’il faut promouvoir

Vous avez suivi de nombreuses actions au fil des ans…

Bernard Fourcade : Je me souviens de l’ouverture de la ligne Perpignan-Birmingham avec Ryanair. Le premier voyage s’est fait avec les Toques Blanches qui ont cuisiné là-bas pour faire découvrir et rayonner notre gastronomie. L’événement le plus épique, c’est lorsque les Dragons Catalans ont été créés, il y a une dizaine d’années. Il y a eu une conférence de presse au premier étage de la tour Eiffel, et ce sont les Toques Blanches qui sont montées cuisiner et servir le repas de Perpignan. Ce sont tous ces éléments de promotion qui valorisent notre région, et le moins que l’on puisse dire, c’est que les Toques Blanches savent saisir les occasions !

Si vous deviez offrir quelque chose qui se mange ou qui se boit à quelqu’un, pour lui faire découvrir la région, qu’est-ce que ce serait ?

Bernard Fourcade : Qui se boit, peut-être un vin doux naturel. C’est quelque chose qui manque de visibilité, le public en a une fausse appréciation. Pourtant quand on a des amis qui viennent de l’extérieur, à qui l’on offre du vin doux naturel, je vous assure que la bouteille y passe ! Je crois que c’est le cadeau à offrir !

Le vin, est-ce un autre enjeu pour la région ?

Bernard Fourcade : Complètement. J’ai pu constater que souvent hors région, nos vins ne sont pas mis en avant à la carte des restaurants. Pourtant les vins du Roussillon n’ont pas à rougir.

Finalement, vous avez eu l’occasion de faire de nombreuses tables. Qu’est-ce qu’un bon repas ?

Bernard Fourcade : Cela doit toujours être un moment de plaisir, un moment de convivialité, un moment d’échange. C’est de cette façon qu’il faut le vivre. C’est comme cela que le moment devient magnifique.