Patrice EY, aux saveurs paysannes

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Vigneron, maraîcher, éleveur, ce paysan des temps modernes a fait le choix de l’agriculture biologique bien avant que le “bio” ne devienne tendance. Aujourd’hui, son exploitation qui s’étend sur plusieurs dizaines d’hectares répond à une philosophie simple et inébranlable: respecter la nature, pour nourrir sainement. C’est en compagnie d’Alain Delprat, chef du restaurant Le Yucca, que nous l’avons rencontré.

“La première brique de ma démarche, c’est le bio”, affirme Patrice, sourire en coin. Installé en agriculture biologique depuis 1999, il admet que cette décision lui a valu quelques regards sceptiques à l’époque. Pour lui, la terre est un patrimoine à léguer, non à épuiser. Il n’est donc pas surprenant de retrouver à la fois des vergers, des vignes, des légumes de saison, mais aussi des élevages de volailles et de brebis sur son domaine. Les parcours de ses volailles, d’ailleurs, vont bien au-delà des normes bio : Patrice double la superficie exigée pour leur offrir de l’espace, élément qu’il considère fondamental pour leur bien-être et leur qualité de vie. Et sur ses terres, rien ne se perd, tout se transforme. “Nos légumes nourrissent nos animaux, leur

fumier refertilise les champs. Ce cycle, c’est mon socle, ma manière de rester fidèle à la nature”. Une approche que le chef Alain Delprat admire : “La chair des volailles de Patrice a quelque chose de différent – une densité, un goût incomparables que l’on ne retrouve plus dans les productions intensives”. Un temps d’élevage respecté, un aliment bio sans compromis, et le résultat est là : des volailles prisées par les chefs qui savent reconnaître la valeur d’un produit qui a grandi sans hâte. Mais la route n’a pas été sans obstacles.

En 25 ans, Patrice a vu la demande pour ses produits croître, puis décroître, au gré des modes de consommation. “Depuis le Covid, les gens ont moins tendance à se recevoir chez eux, et l’inflation n’a pas aidé. Le bio souffre, car on le voit comme un luxe, alors qu’il devrait être l’essentiel”. Face à ces défis, il se réinvente en permanence : des bocaux de volailles cuisinées, des conserves… autant de produits qu’il propose désormais dans ses deux points de vente et qui permettent aux clients de redécouvrir le goût du “vrai”. Et la qualité de ses produits lui a forgé une réputation solide. “Travailler avec les Toques Blanches, c’est voir mon produit sublimé”, confie-t-il. La ferme pédagogique qu’il a créée à Saint-Estève est là, quant à elle, pour rappeler aux plus jeunes l’origine des aliments. “On voit les enfants venir pour les animaux, mais repartir avec une curiosité pour les légumes. Il y a des enfants qui ont goûté leur premier brocoli ici parce qu’ils l’ont vu donné à une chèvre”. Patrice le dit en souriant, mais sa mission éducative est on ne peut plus sérieuse : “On ne peut pas compter sur les supermarchés pour éduquer les consommateurs à bien manger. Ce sera toujours le rôle des paysans, nous sommes les vrais ambassadeurs de l’alimentation”. Fidèle aux traditions, il est pourtant bien conscient des enjeux contemporains :

“Notre rôle n’a pas changé, mais la place que l’on nous accorde dans la société, oui. On nous voit comme des fournisseurs, rarement comme des protecteurs de l’environnement et de la santé publique”.

Alors Patrice cultive la différence, même si cela implique des défis économiques et des remises en question. Car pour lui, nourrir les autres, c’est une responsabilité qu’il prend à cœur pour laisser un héritage fertile et vivant aux générations futures.

Route de Perpignan – 66240 SAINT-ESTÈVE
T. 04 68 51 35 13
www.auxsaveurspaysannes.com