On a cuisiné… Jaqe CHAMBON

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Pour ce nouveau numéro, Denis Visellach, le chef du Bellavista, a donné rendez vous en cuisine à Jaqe Chambon, le « peintre des chefs ». Originaire de Prats-de Mollo-La-Preste, l’ancien designer et architecte d’intérieur, passionné par la gastronomie, sera restaurateur à Lyon avant de se consacrer à la peinture. En 2006, il commence par peindre son propre portrait et celui du chef cuisinier de son restaurant. Au fil du temps, Jaqe peint les chefs de plusieurs bouchons lyonnais, puis des chefs étoilés et des Toques Blanches. Bien que les portraits restent au cœur de son œuvre, le style de Jaqe Chambon évolue vers des formes plus stylisées et contemporaines, inspirées par sa culture catalane.

Denis Visellach : Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Je suis originaire du Vaucluse et j’ai commencé à jouer au rugby très jeune. À l’âge de dix-huit ans, je suis parti deux ans en Australie à Brisbane. Une expérience qui m’a permis de me perfectionner dans un club de haut niveau. J’étais jeune, cela m’a aussi appris la vie ! (Rires) Je travaillais au port, je déchargeais des conteneurs de bateaux. C’est aussi à ce moment-là que j’ai su que je voulais faire du rugby mon métier. Les Dragons Catalans m’ont contacté en 2013. J’ai gravi les échelons et j’en suis le capitaine depuis maintenant deux ans.

Toques Blanches : Vous êtes originaire de Prats-de-Mollo-La-Preste tous les deux…
Denis : Tout à fait.
Jaqe : Ma famille est originaire d’ici. J’y habite à temps plein depuis deux ans.

Jaqe, quel est votre rapport avec la gastronomie ?
Jaqe : En fait, pour résumer, j’ai fait des études à Paris, en architecture intérieure et en design produit. Pendant longtemps, j’ai dessiné des objets pour la maison et puis pas mal d’ustensiles de cuisine aussi. Entre autres, j’ai dessiné toute l’argenterie du Jardin des Sens à Montpellier pour les frères Pourcel.

Pendant sept ans, vous allez tenir un restaurant à Lyon…
Jaqe : Oui ! Je m’occupais de la salle et mon ami était en cuisine.

Comment allez-vous vous tourner vers la peinture ?
Jaqe : J’ai démarré la peinture grâce au restaurant. J’ai commencé par le portrait de mon chef, puis d’autres autour. Et puis je suis allé dîner chez Georges Blanc, je lui ai demandé s’il accepterait, un peu au culot. Il m’a laissé son numéro de portable et cela a véritablement commencé ainsi.

Combien en avez-vous peint ?
Jaqe : J’en ai exécuté 40. Le dernier que j’ai réalisé, c’est celui d’Alain Delprat, le chef du Yucca à Perpignan.

 

Y a-t-il une rencontre qui vous a particulièrement marqué ?
Jaqe
: Elles ont toutes une saveur particulière. Si je dois en choisir une ou deux, je dirais Pierre Gagnaire. C’est lui qui m’a surnommé « le peintre des chefs ». Et Guillaume Gomez

Vous devez avoir des anecdotes à raconter…
Jaqe
: Lorsque j’ai peint le portrait de Christophe Marguin, je lui ai fait tenir une petite grenouille dans la main. Il en cuisinait tout le temps. Quand il l’a vue, il a dit, “moi, je préfère les manger”

Comment cette saison se présente-t-elle ?
On a une très bonne équipe, une belle cohésion, des nouvelles recrues qui se sont bien adaptées. Mais c’est difficile de répondre à cette question. On ne sait jamais comment une saison va se passer, il y a des choses comme des blessures, que l’on ne peut pas anticiper. La barrière de la langue est un challenge mais c’est aussi ce qui nous pousse à travailler la cohésion, l’adaptation, le fait de passer du temps ensemble.

Mais finalement, d’où vous vient cette attirance pour les chefs et la cuisine ?
Jaqe : Je ne sais pas. J’ai toujours aimé bien manger. Ce n’est pas forcément quelque chose que l’on m’a inculqué, ma mère faisait très bien le bœuf bourguignon et les escalopes panées. Mais ce n’était pas une grande cuisinière ! Son repas à elle se résumait à une pomme et un yaourt ! (Rires)

Vivre à Lyon, cela a quand même dû vous influencer…
Jaqe
: Probablement ! C’est un peu la capitale de la gastronomie et j’y ai grandi.

Quel lien faites-vous entre l’art et la cuisine ?
Jaqe
: Je crois que dans les deux cas, on peut aller dans toutes les directions possibles. Cuisiner ou peindre, finalement c’est un processus de création.

Êtes-vous d’accord avec cela, Denis ?
Denis
: Oui. Penser une assiette, c’est créer quelque chose. C’est partir d’un produit brut et le mettre en valeur. C’est travailler les sens par le goût et la vue

Cuisinez-vous ?
Jaqe
: J’ai toujours fréquenté des cuisiniers, alors je n’en ai pas eu besoin ! (Rires)

Quel serait votre meilleur souvenir de gastronomie ?
Jaqe
: Avec Pierre Gagnaire. Les saveurs étaient incroyables.

Comment jugez-vous l’évolution de la gastronomie dans la région ?
Jaqe
: Elle prend de l’ampleur ces dernières années. Avec les Toques Blanches, j’ai l’impression d’avoir découvert la gastronomie catalane. Et elle est fabuleuse.

Justement, si vous deviez la faire découvrir, quelle spécialité choisiriez-vous ?
Jaqe
: La charcuterie, sans hésiter. La boutifarre. Moi je la tranche, je la poêle et je la déglace au vinaigre.
Denis : Et après, il nous dit qu’il ne cuisine pas ! (Rires)
Jaqe : Un petit peu, quand même. (Rires)

Et le vin dans tout cela ?
Jaqe
: C’est important. Pour un bon repas, il faut une bonne bouteille. Après je suis plutôt amateur, pas collectionneur. En général, je ne garde pas les bouteilles très longtemps !(Rires) J’aime les vins d’ici parce qu’ils sont un peu charpentés et en même temps très ronds, très doux. Cela me parle et ils se marient parfaitement à notre gastronomie catalane.

“Jaqe” avec cette orthographe, est-ce votre nom d’artiste ?
Jaqe : J’ai enlevé tout ce qui phonétiquement ne servait à rien. Pour l’anecdote, j’avais un homonyme à Lyon qui s’appelait Jacques Chambon, il est acteur. C’est lui qui incarne le druide dans la série d’Alexandre Astier, Kaamelott. Et je recevais son courrier assez régulièrement. Donc voilà, j’ai pensé qu’il faudrait peut-être faire une petite différence.

Qu’est-ce qui vous inspire aujourd’hui ?
Jaqe
: La culture et la symbolique catalanes. Au mois de juin, je pars à Monaco pendant quatre jours avec d’autres artisans de Pratz pour représenter notre ville et  la Catalinité. Un ancêtre du prince Albert est enterré sous l’église de Pratz.
Denis : Il est venu présider l’inauguration du toit de l’église. Nous l’avons eu à dîner ici.

Un mot sur votre actualité ?
Jaqe : Je vais ouvrir la galerie ici de juillet à septembre. Je prépare une exposition à Lyon pour la fin de l’année et une autre justement avec une dizaine de portraits de chefs au Yucca.