Le matin pointe à peine son nez lorsqu’il prend la mer, laissant la côte d’Argelès s’éloigner sous un ciel encore en sommeil. C’est un rituel, presque un hommage rendu à cette Méditerranée capricieuse mais généreuse, à cette mer qui l’a pris dans ses filets il y a plus de dix ans. Lui, le pêcheur d’Argelès, que le chef Frédéric Bacquié de L’Almandin respecte autant qu’il l’admire, se définit bien plus comme un artisan que comme un simple pêcheur. Leurs destins s’entrelacent au gré des saisons et des filets, une symbiose entre la mer et la gastronomie
Depuis son installation en 2013, il a vu les courants et les vents rythmer ses journées, imprévisibles et uniques comme la prise qui attend au fond de la mer. La lune, la météo, l’intuition : des facteurs aussi aléatoires que son métier est exigeant. Pas de place pour l’ennui sur son bateau, seulement l’émerveillement et le respect. Chaque poisson, chaque crustacé qui sort de l’eau est manipulé avec soin, presque comme une offrande, une rencontre précieuse entre l’homme et la nature.
À travers ses gestes, c’est toute une philosophie qui se dessine. “Ce qui me plaît, c’est d’attraper des poissons difficiles à trouver, comme la sole, la baudroie, ou le chapon”.
Cette recherche de qualité et non de quantité n’est pas seulement une préférence, c’est une conviction. Pourquoi remplir des filets pour brader du poisson ? Pour lui, chaque prise doit être respectée, de la capture à l’assiette. Et lorsqu’il voit ses poissons sublimés par les mains expertes de Frédéric Bacquié, c’est un peu de sa propre fierté qu’il retrouve dans chaque plat. D’ailleurs, il aime appeler le chef Bacquié le “shérif”, en raison de son étoile. “Je ne veux pas tuer du poisson pour rien, lance-t-il sans détour. Je veux un produit de qualité, que le chef puisse honorer”. Et si la mer exige du respect, elle impose aussi une humilité rare. Il parle de son métier comme d’un art, un artisanat millimétré où l’expérience et le bon sens priment, et où chaque erreur se paie. “La mer, elle te surprend toujours, parfois pour le meilleur, souvent pour le pire, mais elle ne te laisse jamais te reposer sur tes lauriers”.
Pour le chef Bacquié, cet homme est bien plus qu’un fournisseur, il est un complice, un “artisan pêcheur” avec lequel il partage cette même envie de perfection. Depuis le pont du bateau, le chef observe avec fascination cet art de la pêche, et ce respect mutuel du produit qu’il fait lui-même perdurer en cuisine. Et pourtant, cet engagement a un prix. Le matériel, les filets, tout augmente, ne laissant que des miettes après des journées éreintantes. “Les filets ont pris 65% en un an, c’est insoutenable. Travailler comme un fou pour ne presque rien garder, c’est ça le vrai défi”. Mais malgré tout, il reste, accroché à ses rêves marins et à sa passion viscérale.
Cet artisan de la mer rappelle que le luxe ne se mesure pas seulement en valeur marchande, mais en valeurs humaines. Son plus grand souhait ? Que ses clients comprennent ce respect qui l’anime, cette quête de la durabilité, et qu’ils goûtent dans chaque bouchée un peu de ce lien unique qui l’unit à la mer. “Ce que je veux, c’est que ceux qui dégustent mes poissons aient un peu de cette philosophie dans leur assiette”. Alors l’homme continue de sillonner les eaux, en quête de trésors marins à partager, avec la mer pour muse et le respect pour boussole.
Vente directe :
Avenue du Môle, 66700 ARGELÈS-SUR-MER
Tous les jours de 8h à 12h
T. 06 72 71 29 32