Marie-Églantine DELCHER, Cheffe de « La passerelle » reçoit le Chef Clément Leroy

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Pour ce nouveau numéro, nous plongeons au cœur d’une conversation où Clément Leroy nous dévoile, avec passion et sincérité, son parcours riche et diversifié, ses inspirations, et ses aspirations. De son premier souvenir culinaire marqué par la cuisine de sa grand-mère à ses ambitions futures, il retrace les étapes clés qui l’ont conduit à embrasser une carrière de chef, marquée par une recherche constante d’excellence et d’innovation. Né à Romans sur-Isère, il grandit immergé dans la nature, bercé par le rythme des cueillettes, de la pêche et de la chasse, avec un père boucher-charcutier qui a su éduquer ses papilles aux saveurs authentiques. Armé d’un CAP de cuisine, il a ensuite pris d’assaut la scène gastronomique parisienne. Son ascension est ponctuée par des passages dans quatre maisons mythiques : Le Laurent, Le Taillevent, Lasserre et surtout Guy Savoy, où il a passé douze années déterminantes. Cette collaboration a marqué sa vie non seulement professionnelle mais aussi personnelle, enrichissant son savoir-faire et sa vision de la cuisine.

Sa carrière l’a également mené à Londres, Chantilly, et à travers les cuisines étoilées de Michel Chabran et The Square, forgeant un chemin culinaire à la fois créatif et généreux.

Toques Blanches Roussillon-Occitanie : Nous sommes à La Passerelle,
le restaurant de Marie-Églantine, quels sont vos liens ?

Clément Leroy : Nous avons été présentés par un ami commun lors de la réunion du Collège Culinaire à Paris. Nous avons tout de suite discuté et sympathisé et puis j’ai dit “je viendrai un jour”. Je ne pense pas qu’elle m’ait pris au sérieux mais je suis venu peu de temps après, j’ai profité du fait qu’il y ait un match de l’USAP. C’est la première fois qu’elle mettait les pieds dans un stade de rugby, c’était assez marrant ! J’ai mangé le samedi soir ici, et le dimanche elle m’a emmené, on a parcouru je ne sais combien de kilomètres, plus de 150, pour découvrir des domaines viticoles. Elle aime faire plaisir aux gens. Nous avons gardé contact, nous parlons de produits, elle m’envoie des vidéos quand elle va à la criée ! Cela me rend heureux quand je vois ça.

Pouvez-vous me raconter votre premier souvenir culinaire ?

Cela peut sembler banal, mais je pense immédiatement à la cuisine de ma grand-mère. Lorsque ma mère cuisine, elle prépare des plats traditionnels et familiaux qui surpassent ce que je pourrais faire. Moi, j’essaie de cuisiner selon mes propres règles, ce qui fait
que l’on perd parfois l’originalité des saveurs. Ce goût de l’enfance, lorsqu’il ressurgit dans
notre mémoire, est vraiment extraordinaire. On m’a raconté qu’à deux ans et demi, lors
d’un Noël, j’avais mangé dans un restaurant deux étoiles, la Maison Chabran. J’avais goûté
à tous les plats, de la Saint-Jacques aux civelles, comme les adultes. Entre chaque
plat, je me levais et faisais le tour des tables.

Quand avez-vous su que vous vouliez exercer ce métier ?

Quand j’étais jeune, mon rêve n’était pas du tout la cuisine. J’ambitionnais de devenir celui
qui change les roues des voitures en Formule 1 sur les circuits. Bien que doué à l’école, je
m’ennuyais et ne travaillais pas beaucoup. Un jour, je me suis dit que je ne pouvais
pas envisager un métier qui m’obligerait à rester sur les bancs de l’école. Mes facilités
étaient autant intellectuelles que manuelles. Nous allions souvent au restaurant et mes
parents travaillaient dans le domaine, mon père étant boucher-charcutier-traiteur.

Dès l’âge de dix ans, je participais aux mariages le samedi soir. Un chef de mon village, qui avait longtemps vécu aux États-Unis, m’a accueilli pour un stage de trois jours lorsque
j’étais en troisième. À quinze ans, j’ai décidé d’intégrer une école hôtelière. Après mes
études, je suis monté à Paris et ai envoyé des CV partout. Guy Savoy a finalement appelé
mon père pour me proposer une place, malgré un effectif complet, car nous venions de la
même région.

Quels souvenirs gardez-vous de vos débuts chez Guy Savoy ?

Les débuts furent difficiles. Je n’avais que dix-sept ans. Je venais d’une petite maison.
Mais Guy Savoy a marqué ma vie de cuisinier et d’homme : douze ans de collaboration
loyale et de transmission précieuse, qui voient le développement de sa marque à
l’international.

Quelle est votre plus belle réussite à ce jour ?

Ma plus grande réussite reste à venir. Je suis fier de mon expérience à Londres où j’ai su
m’adapter et créer une équipe autour de ma cuisine et de mes principes, en y apportant
une véritable identité.

Comment décririez-vous votre cuisine ?

Ma cuisine repose sur une base de cuisine française, mais elle est souvent très intense, parfois peut-être trop. Elle possède des signatures fortes et reconnaissables. J’apprécie les aspérités dans la cuisine, ayant besoin d’un équilibre entre l’amer, l’acide et la suavité, cette dernière devant rester longtemps en bouche. J’utilise peu de sous-vide sur les protéines et préfère les condimenter, souvent avec des influences maritimes.

Si vous deviez choisir un plat qui vous définit, lequel serait-il ?

Le plat qui résume ma cuisine est le potau-feu d’huître. C’est un plat où le bouillon de pot-au-feu traditionnel est uniquement composé de bœuf et de congre. Les huîtres sont légèrement tiédies dans leur propre jus et disposées autour d’un assortiment de petits légumes, de condiments, et d’herbes maritimes. Juste avant de servir, on poche un morceau de mœlle dans le bouillon, qui est ensuite versé sur le plat. À côté, on sert une épaisse tranche de pain de campagne tiède avec un tartare d’huître de Bretagne surmonté d’un morceau de moelle. Ce plat incarne parfaitement les principes de ma cuisine.

Avez-vous des rituels en cuisine ?

Je ne suis pas superstitieux, mais j’apprécie que tout soit parfaitement organisé avant
de commencer le service. Tout doit être bien rangé, notamment mes nombreuses petites
boîtes en inox. Je déteste voir du plastique à portée de vue. Rien ne doit déborder.

Un mot sur votre actualité ?

Depuis trois ans et demi, je faisais du consulting, aidant à la réouverture de restaurants après le Covid et signant des menus à l’étranger. Récemment, Guy Savoy m’a proposé de réintégrer le groupe avec le restaurant Le Chiberta, à côté des Champs-Élysées à Paris. Nous sommes en train de relancer ce restaurant avec un projet dynamique : 28 couverts, une signature forte autour de la viande. Depuis 2021, j’ai créé un élevage de bœufs Aberdeen Angus, une pure race avec une génétique écossaise, géré par mon frère qui est également éleveur charolais.