Canet-en-Roussillon s’inscrit dans une dynamique gastronomique d’envergure.
Le 24 mars, la ville signera officiellement son adhésion à l’association qui porte le dossier de reconnaissance de la cuisine méditerranéenne au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Un projet ambitieux qui s’inscrit dans une politique plus large de valorisation du terroir et du tourisme culinaire. Rencontre avec Stéphane Loda, maire de Canet, qui nous livre sa vision et ses projets.
Monsieur le Maire, qu’est-ce que cette inscription de la cuisine de Canet au patrimoine immatériel de l’UNESCO représente pour vous et pour la ville ?
Nous avons un projet de développement du tourisme culinaire. Dans le cadre de cette politique publique, nous souhaitons créer deux structures : des halles dédiées aux produits de terroir, centrées sur la cuisine locale, avec un accent particulier sur les produits catalans, et un espace muséal pour exposer les terroirs du département. Nous en avons identifié sept, qui vont de la côte à la Cerdagne, en passant par la vallée du Vallespir. Nous voulons inviter les visiteurs à découvrir ces terroirs et à parcourir le territoire à travers un réseau de producteurs locaux. De fil en aiguille, nous avons élargi notre projet, en collaborant avec des partenaires en Catalogne-Sud et en France pour créer une route gastronomique reliant plusieurs villes. Ce projet nous a permis d’être identifiés par ceux qui travaillaient sur la reconnaissance de la cuisine méditerranéenne au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Le 24 mars prochain, nous adhérerons officiellement à l’association qui porte ce projet. Cette reconnaissance nationale est une première étape, avant un dépôt de dossier à l’UNESCO à l’échelle mondiale.
Comment le projet des halles gastronomiques avance-t-il ?
Nous avons terminé les acquisitions foncières et les études de marché, qui sont toutes favorables. Nous avons lancé un marché pour désigner l’architecte en charge du projet. Nous imaginons une halle sur deux niveaux : au rez-de-chaussée, des étals et un espace de dégustation, et à l’étage, un restaurant où un jeune chef pourra s’installer pour six mois et tester son concept.
Quels sont les plats ou spécialités qui incarnent le mieux l’âme culinaire de Canet selon vous ?
Le poisson occupe une place centrale dans notre gastronomie, avec deux petits métiers de la pêche encore présents sur le port. Mais s’il y a une spécialité qui représente vraiment notre identité, c’est l’anguille. Nous avons encore cinq pêcheurs d’anguilles sur les étangs, et un plat emblématique : la bouillinade. Cuite au feu de bois, avec de l’anguille, des pommes de terre, de l’ail et des épices, c’est un plat généreux, à la fois rustique et authentique.
Comment la gastronomie s’intègre-t-elle dans l’identité culturelle et touristique de Canet ?
Aujourd’hui, le tourisme culinaire est en plein essor. Les visiteurs ne se contentent plus de découvrir un lieu, ils veulent en comprendre l’histoire, les traditions et le patrimoine culinaire. C’est dans cette optique que nous avons développé notre projet de halle gastronomique et d’espace muséal. Nous voulons aussi travailler avec le réseau Bienvenue à la Ferme, pour inciter les visiteurs à aller à la rencontre des producteurs locaux.
Pensez-vous que cette reconnaissance internationale va transformer la scène gastronomique locale ?
Oui, clairement. C ela va renforcer notre attractivité, donner de la fierté aux habitants et encourager la transmission des savoirs culinaires. Beaucoup de recettes traditionnelles risquent de disparaître faute de transmission. La bouillinade, par exemple, est aujourd’hui peu cuisinée. Si nous n’agissons pas, elle tombera dans l’oubli. Cette reconnaissance est un levier pour sauvegarder ces plats et les remettre au goût du jour.
Plus personnellement, quel est votre premier souvenir gustatif ?
Ce n’est pas un souvenir d’enfance, mais un plat qui m’a marqué : la choucroute de la mer. J’ai découvert cette association surprenante de poissons et de chou à Nancy, et cela m’a rappelé mes origines alsaciennes. Une belle rencontre entre tradition et innovation culinaire.
Un péché mignon que vous assumez sans complexe ?
Le vin ! Et tout particulièrement les vins du département. Les rouges sont tanniques et fruités, les blancs sont ronds et gras, et en 20 ans, la qualité des productions locales a fait un bond spectaculaire. C’est une vraie fierté de voir nos vins s’imposer sur la scène nationale et internationale.
Plutôt apéritif au bord de l’eau ou long dîner en terrasse ?
Pourquoi choisir ? Un apéritif qui se prolonge en long dîner, voilà l’idéal !
Que pensez-vous de la cuisine du chef Christophe Perrin ?
C’est un excellent chef, qui a su s’approprier les produits de la mer et les sublimer. Il propose une cuisine fidèle aux traditions, tout en apportant une touche de modernité.
Comment décririez-vous sa cuisine en trois mots ? Gourmande, raffinée, inspirée. Vous-même, cuisinez-vous ?
Oui, notamment des plats à base d’abats. J’aime bien cuisiner la langue et les tripes. En revanche, je laisse la pâtisserie aux autres !
La tradition culinaire et la modernité : opposition ou complémentarité ?
Complémentarité, sans aucun doute. Nos projets visent à sauvegarder les traditions tout en leur donnant une nouvelle dynamique. L’un des volets de notre halle gastronomique sera d’ailleurs d’offrir un espace à un jeune chef tous les six mois, pour qu’il puisse développer sa cuisine et faire ses preuves.
Que pensez-vous du rôle des Toques Blanches dans la mise en valeur du patrimoine culinaire ?
C’est essentiel. Le tourisme culinaire est l’un des rares segments en croissance, et il faut miser sur nos chefs et leur savoir-faire. Leur engagement permet de valoriser notre gastronomie et d’inviter les visiteurs à découvrir un territoire à travers ses saveurs.